Et tu n'es pas revenu - Marceline Loridan-Ivens

Dans un texte adressé à son père avec lequel elle a été déportée à l'age de quinze vers Auschwitz, Marceline Loridan-Ivens, avec l'aide de l'écrivain Judith Perrignon, évoque son expérience des camps de concentration dont elle est une des rares survivantes encore en vie aujourd'hui. Son père, lui, n'est pas revenu.

source: blog.ac-rouen.fr

C'est le troisième essai en trois envois qui est en rapport avec la seconde guerre mondiale que je suis amenée à lire pour le Prix Elle 2016. Autant dire qu'en le recevant, je n'étais pas ravie. Mais le texte est très court (120 pages) et surtout, il n'est pas grandiloquent; au contraire, il relate une expérience terrible et dure, qui marque à jamais, avec des mots précis, simples.

Si j'ai regretté, à la fin, l'évocation de la chute des tours de New York (même si je comprends le parallèle et l'inquiétude qui en découle, accentuée plus encore par les récents attentats et mises à mort dont on entend parler bientôt tous les jours aux informations - une quasi "banalisation" qui ne doit absolument pas se produire), ce qui m'a surtout frappé, c'est à quel point la réadaptation à une vie normale a été difficile pour l'auteur :

Pourquoi une fois revenue au monde, étais-je incapable de vivre ? C'était comme ne lumière aveuglante après des mois dans le noir, c'était violent, les gens voulaient que tout ressemble à un début, ils voulaient m'arracher à mes souvenirs, il se croyaient logiques, en phase avec le temps qui passe, la roue qui tourne, mais ils étaient fous, pas que les juifs, tout le monde ! La guerre terminée nous rongeait tous de l'intérieur. (p. 72)

Il m'a fallu bien des rencontres pour m'accommoder à l’existence, à moi-même. Et du temps pour aimer. (...) Peu à peu, je me suis laissé porter par ma génération, son méli-mélo, et j'ai découvert les sensations de la jeunesse. J'ai eu envie de faire quelque chose de moi, sans trop savoir quoi, j'ai voulu me fondre dans une histoire plus vaste que la mienne, eu envie de découvrir le monde, d'apprendre, de rire un peu, de me joindre aux discussions infinies des bistrots de Saint-Germain-des-Prés. (pp. 84-5)

C'est la première fois que je lis le récit d'un survivant des camps et, malgré mes réticences initiales, j'ai apprécié ma lecture de ce texte sans pathos, intelligent, éclairant.

Marceline Loridan-Ivens (née en 1928) est scénariste et réalisatrice, principalement de documentaires.

(éd. Grasset, 2015)

***

Je me demande quand même comment sont présélectionnés les titres qui seront lus par le jury du Prix Elle. Car c'est le troisième essai en rapport avec la seconde guerre mondiale - à croire que c'est le seul sujet des essais et documentaires qui sont publiés !

Commentaires

niki a dit…
je passe mon tour, la mère de mon époux était juive et j'avoue que ses récits des abominations (en belgique) m'a suffit pour pendant toute une vie me transformer en anti-militariste, anti-dictatures, anti-pratiquement tout ce qui est déjà dans ma nature de toute façon
keisha a dit…
Je l'ai dévoré en une soirée, incapable de le lâcher! (j'avais déjà lu Ma vie balagan)
claudialucia a dit…
je le lirais car je suis intéressée par ces récits; Je pense qu'ils sont indispensables pour garder la mémoire de ces abominations et pour ne pas les reproduire.
claudialucia a dit…
Je vais bientôt le commencer! merci!
claudialucia a dit…
ET voilà je l'ai lu et commenté. Merci!

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